La reconnaissance au travail passe d’abord par nous !

Notre société concurrentielle et compétitive valorise la réussite et la confond parfois avec la « victoire » sur les autres. Se montrer « dur en affaires » est un lieu commun. Mais cette dureté est-elle vraiment efficace dans le monde de l’entreprise et, singulièrement, du management? L’agressivité et la méchanceté sont-elles… des qualités professionnelles? Certains le pensent.

Méchanceté et calcul seraient synonymes, tandis que la gentillesse serait trop souvent assimilée à la niaiserie, la naïveté et finalement l’échec.

Il convient de s’interroger sur ce raisonnement, car l’expérience peut nous conduire sur une toute autre voie. Selon une enquête américaine relatée par le New York Times en 2012, dont l’un des objectifs était d’éclaircir un grand mystère managérial: qu’est-ce qui fait qu’une équipe de travail est efficace?

Après avoir étudié plus de cent équipes sur plus d’un an, les chercheurs en sont arrivés à une conclusion simple: les meilleures équipes sont celles où les gens sont gentils les uns envers les autres. Grâce à elles, les équipes seraient plus soudées. Commentant ce sondage, un économiste avançait même que ce type de comportement faisait gagner plus de 5% de richesse aux entreprises concernées! Un revers pour les profils « aux dents longues ».

Tentons de mieux comprendre la problématique que je développe également dans mon ouvrage les 7 lois du changement (Hachette/Marabout).

Écraser l’autre, c’est jouer perdant

A quoi mène la méchanceté? En principe, à passer devant en écrasant son voisin, son collègue ou son concurrent. Le hic est que cette attitude semble dévoratrice d’énergie. Au lieu de sublimer son agressivité, on la déverse en quelque sorte à l’état brut.

Dans un premier temps, on peut certes obtenir des résultats, en termes de pouvoir ou d’argent. Mais en mesurant constamment sa puissance sur l’affaiblissement des autres, le méchant risque de rencontrer, à la longue, plus dur que lui. En attendant, il vivra -quelquefois inconsciemment- dans la crainte de cette rencontre fatale et cela contribuera à exacerber encore son agressivité. Ce cercle vicieux n’est-il pas souvent fatal, comme le montrent quantité de faits divers et d’histoires tirées de l’actualité?

Canaliser son agressivité

La question centrale pourrait être la suivante: comment canaliser une pulsion aussi naturelle que l’agressivité? Il n’est pas forcément malsain qu’elle soit refoulée. Au contraire. Ce qui compte aux yeux de nombreux spécialistes en ressources humaines est qu’elle soit intelligemment orientée.

Plutôt que de prendre une forme négative, comme chez le méchant, elle semble efficace et positive quand elle se transforme en ambition saine ou en courage tourné vers le dépassement de ses propres imperfections. Cette ambition non intrusive vis-à-vis de l’extérieur et surtout non violente diminuerait le stress, en favorisant l’estime de soi, à travers le regard des autres, apaisés car traités avec bienveillance. Dans la foulée, elle favorise bien entendu les « renvois d’ascenseur ».

Savoir déléguer pour se renforcer

Or, pour se dépasser et accomplir une œuvre collective ou une entreprise qui va au-delà de nos capacités personnelles, on a besoin de son prochain et on a donc intérêt à le valoriser. Cela passe par la confiance, la liberté accordée à nos subordonnés et même par l’affection.

Ceux qui réussissent ne sont-ils pas en effet ceux qui savent le mieux déléguer, s’inspirer d’autrui, fédérer les talents… plutôt que de se recroqueviller sur une satisfaction immédiate et égoïste? Comme l’écrivait au 19ème siècle l’écrivain américain Mark Twain, « la gentillesse est le langage qu’un sourd peut entendre et qu’un aveugle peut voir ».

En ce sens, c’est paradoxalement en offrant du pouvoir que l’on accroît son pouvoir. C’est précisément ce qu’une chercheuse de la prestigieuse université américaine Harvard a découvert en étudiant les relations interpersonnelles chez Google. Julia Rodosky, dans un rapport publié en 2012, indiquait que la gentillesse des cadres et leur liberté d’action, leur faculté de prendre des risques sans se faire rabrouer par leurs supérieurs, bref l’empathie générale entre collègues expliquait largement le succès prodigieux de la multinationale numérique.

Maxime Coignard – Auteur des 7 lois du changement – Marabout/Hachette